Good Morning Afrika

Les dernières nouvelles du continent (22)

La saison des soutenances de thèse est ouverte. Pour celles que j’ai pu suivre, je pense à la brillante soutenance de Léonard Colomba-Petteng (« Décentrer l’analyse de la politique de sécurité et de défense commune de l’Union européenne : ethnographie de la mission EUCAP Sahel Niger« ), celle Balkissou Hayatou sur « Le Cameroun au Conseil de Sécurité de l’ONU (1974-75) (2002-03) », celle encore de Grégoire Méttra sur « La stratégie des États-Unis dans la Corne de l’Afrique, 1977-1981 : Rôle des acteurs politiques américains dans un contexte de crise régionale et globale » et j’attends d’assister ce jeudi à celle de Ayrton Aubry intitulée « Les usages de l’Afrique: Etudier l’appropriation dans l’espace mondial à partir de l’africanisation de la sécurité au Sénégal ».  

Corne de l’Afrique

Jai eu l’honneur d’être auditionnée à l’Assemblée nationale devant la Commission de la défense avec Alain Antil et Abdennour Benantar. J’ai rappelé que la France se retrouve aujourd’hui entre l’embarras de choisir une ligne politique claire et la difficulté de plus en plus forte à peser sur les évènements. Il me semble que la question du Pourquoi de notre politique en Afrique est souvent moins questionnée que celle du comment. Or, si la France se pense comme une puissance, elle se doit d’identifier ses intérêts et les valeurs qu’elle souhaite défendre sur le continent. Et la cohérence de notre réponse doit se faire avec nos partenaires africains. Il semblerait que nous assistons à un rejet à l’Ouest et une impasse pour la politique de défense de la France.

L’une des réponses de la France est de diluer sa présence en ayant une empreinte plus discrète, de multilatéraliser et d’européaniser afin de légitimer le maintien de notre présence et de nos intérêts propres. J’ai invité à l’ouverture hors du champ traditionnel. Ce n’est pas nouveau mais l’idée reste sous-investie. Nous le faisons économiquement mais il faut corréler capacités militaires et intérêts économiques. Nous devons clairement identifier nos intérêts afin de les défendre. Quels sont-ils ? D’une part, l’IndoPacifique est une priorité mais la côte est africaine est souvent délaissée. La France dans l’UE peut être la nation cadre pour porter le projet Indopacifique. Depuis le Brexit les territoires ultramarins de l’UE sont à 95% français. D’autre part, la liberté de circulation notamment en mer Rouge est une priorité et aujourd’hui l’enjeu est qu’on voit s’y dérouler une partie du conflit israélo palestinien avec les attaques Houtis sur des navires. Il me semble que la France, puissance maritime, ayant des ambitions en Indopacifique ne peut délaisser cet espace. Djibouti est un facteur de puissance pour la France, puissance souveraine et acteur de sécurité dans l’océan Indien. Contrairement à l’océan Atlantique, la liberté de navigation y est plus menacée (auquel on pourrait ajouter la sécurité des nombreuses câbles sous-marins qui y passent). La France a un avantage concurrentiel dans la région et ne subit pas (encore) le fardeau de l’histoire. Conserver une présence militaire semble essentiel comme zones d’appui afin d’organiser des opérations pour sécuriser les Français ou les Européens (ex : Soudan). Penser l’Afrique dans sa diversité et avoir des politiques de défense. Les Afriques sont pleinement entrées dans le XXIème siècle et bien intégré au monde, à nous de faire entrer notre politique africaine aussi dans le XXIème siècle. Sénèque nous disait que les vents ne sont favorables qu’à celui qui sait où il va. Il me semble que nous devons conserver cet adage bien en tête.

Pour continuer sur la situation dans la Corne de l’Afrique :

Les relations historiquement tendues entre l’Éthiopie et l’Érythrée se détériorent à nouveau. L’accord de paix qui a réuni les deux parties en 2018 semble n’avoir été qu’un bref intermède. Parmi les sources de tension récentes, on peut citer les prises de position publiques du Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed concernant l’accès à la mer. Aucune des deux parties ne peut se permettre une escalade, mais un conflit ouvert reste possible. Compte tenu de la tension croissante entre Addis-Abeba et Asmara. Michael Woldemariam demande instamment à tous les pays ayant une influence sur l’Éthiopie et/ou l’Érythrée de faire pression pour protéger la paix.

Comment les acteurs régionaux et internationaux peuvent-ils contribuer à consolider la paix ? Dans ce rapport de Abel Abate Demissie, l’auteur identifie les possibilités de renforcer les mécanismes de médiation au niveau régional et garantir une paix durable dans le nord de l’Éthiopie, conformément aux accords convenus à Pretoria.

Mersha Zenebe Felek publie dans Cogent Social Sciences un article intitulé « The implications of Ethiopia’s foreign policy dynamics towards the Horn of Africa since 1991”. Ses résultats révèlent que l’Éthiopie influence la sécurité régionale, l’économie et les agendas politiques par le biais d’organisations sous-régionales et régionales. Depuis 1991, les intérêts de l’Éthiopie à l’égard de la Corne ont été complètement redéfinis pour se concentrer sur le gain mutuel. Néanmoins, il convient de noter que les efforts ont été largement déterminés par une multitude de facteurs tels que la politique intérieure, le besoin de services portuaires, la sécurité, les réfugiés, la préservation de son hégémonie régionale, la frontière, la guerre par procuration et le terrorisme.  

Pour Samuel Emaha Tsegai les prétentions de l’Éthiopie à un droit historique d’accès à la mer Rouge sont aussi anciennes que l’invention de l’Éthiopie moderne elle-même. Les dirigeants éthiopiens, ont tendance à se réclamer de ce que Christopher Clapham qualifie de prétention à la compétence universelle. Ils revendiquent de vastes territoires sur lesquels ils n’ont parfois jamais mis les pieds ou exercé un contrôle effectif. Avant la ruée des Européens vers l’Afrique à la fin du XIXe siècle, les dirigeants éthiopiens n’avaient pas de notion précise de leurs frontières territoriales.  L’Éthiopie, également connue sous le nom d’Abyssinie, était un signifiant flottant désignant une entité géopolitique indéterminée qui ne correspondait pas à l’État éthiopien/abyssin qui existait réellement. Malgré la fiction usée mais bien ancrée qui dépeint l’Éthiopie comme une entité ancienne aux frontières fixes et sacrées, l’histoire de l’émergence de l’Éthiopie en tant qu’entité délimitée dans l’espace n’est pas différente de celle d’autres pays africains. L’Éthiopie n’a pas été colonisée, mais ses frontières définitives ont été déterminées par la colonisation.

La Commission éthiopienne des droits de l’homme dénonce de graves abus dans les régions Amhara, Benishangul Gumuz et Oromia. Des rapports révèlent des attaques causant des pertes en vies humaines, des dommages aux civils, des destructions de biens et des déplacements massifs.

Le département d’État américain a conclu que des membres des forces armées soudanaises et des forces paramilitaires de soutien rapide (RSF) ont commis des crimes de guerre au Soudan.  En outre, les membres des Forces de soutien rapide et des milices alliées ont commis des crimes contre l’humanité et des actes de nettoyage ethnique.

L’International Crisis Group a publié le 14 décembre 2023 un podcast intitulé « No More Rules ? Discussing the Crisis in Regional Diplomacy ».  La conversation a porté sur le conflit au Soudan et sur l’impact des relations de part et d’autre de la mer Rouge.  Le Soudan en particulier a changé la situation dans la Corne de l’Afrique.  Il y a maintenant une crise de légitimité de l’État.  Les États du Golfe cherchent des mandataires dans la Corne de l’Afrique et il semble que les anciennes règles ne s’appliquent plus, alors que les nouvelles ne sont pas encore bien comprises.   

Saviez-vous que le Maroc a exporté en 2022 presque 2 fois plus à Djibouti qu’en Algérie, Tunisie et Libye réunies ? Exportations marocaines de biens par pays, 2022: Djibouti 541 mn$ Tunisie 121 mn$ Algérie 80mn$ Libye 79 mn$

Vincent Jolly s’est rendu au Somaliland pour Le Figaro.

Sahel

Les coups d’État africains ont-ils provoqué une crise d’identité pour l’UE ? c’est la question à laquelle répond Nina Wilén dans sa dernière publication. Elle explore la façon dont les coups d’État au Sahel ont provoqué des divisions entre les États membres de l’UE.

Sept dirigeants africains ont été renversés par leur armée au cours des trois dernières années. Dans cet article de Foreign Affairs, Comfort Ero et Murithi Mutiga décrivent le contexte dans lequel ces coups d’État ont vu le jour et pourquoi ils ont suscité tant d’inquiétude.  Selon eux, le risque d’une contagion de ces coups à travers tout le continent est réel. Au cours des dernières semaines, une tentative de coup d’État a déjà eu lieu en Sierra Leone et des troubles liés à un coup d’État ont été signalés en Guinée-Bissau et en Guinée. Endiguer la multiplication des coups d’État pourrait être la tâche la plus urgente de l’Afrique au cours de la prochaine décennie. Dans le passé, les prises de pouvoir militaires étaient souvent mal perçues par la population. Pourtant, des recherches menées par le PNUD au Mali ont montré que 8 Maliens sur 10 soutenaient la junte militaire de leur pays. Ce changement d’opinion populaire ne reflète pas nécessairement un rejet de la démocratie par les citoyens africains, mais représente un rejet des élites qui ont échoué. Mais les coups d’État militaires ne fonctionnent pas et ne font qu’aggraver les problèmes des pays. Dans les États déjà fragiles, ils ont tendance à inverser les progrès économiques et politiques. Les institutions multinationales telles que l’UA et l’UE, les pays voisins et les partenaires traditionnels ont réagi aux prises de pouvoir militaires en coupant les liens avec les nouveaux dirigeants militaires. Cette approche de tolérance zéro est compréhensible mais inefficace. Selon les auteurs, il s’agit d’être plus ouverts à la collaboration avec les putschistes, en les encourageant à prendre des mesures d’hybridation de leur gouvernement afin d’y intégrer des partis politiques et de les faire participer à la prise de décision.

Les Afriques dans le monde

L’indice Chine-Med pour l’Afrique du Nord et la Corne de l’Afrique consiste en une série de graphiques interactifs portant sur la majeure partie du 21e siècle et concernant les importations générales de la Chine en provenance des pays de la région, les exportations générales vers les pays de la région, la dépendance énergétique mutuelle, les contrats accordés aux entreprises chinoises, les travailleurs chinois dans les pays de la région, les investissements directs étrangers de la Chine dans chaque pays et la contribution de la Chine aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.  Au cours des dernières années, tous les graphiques affichent des chiffres inférieurs à ceux des années les plus fastes.  L’indice inclut pour l’Afrique subsaharienne : Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Mali, Mauritanie, Somalie, Soudan du Sud et Soudan. 

 

L’Agence chinoise de coopération internationale au développement (CIDCA) a accueilli la deuxième réunion du Indian Ocean Region Forum (IORF).  Lors de la première réunion de l’IORF en 2022, dix-neuf nations étaient présentes, dont sept d’Afrique : Kenya. Mozambique, Tanzanie, Seychelles, Madagascar, Maurice et Djibouti. L’Inde, qui dirige l’Indian Ocean Rim Association (IORA), composée de 23 pays, n’a pas été invitée à l’IORF. 

La guerre au Tigré, où se trouvaient des entreprises chinoises, a constitué un revers pour la Chine dans le pays.  Maintenant que la guerre est terminée, la Chine espère reprendre ses projets dans la région du Tigré et étendre son influence à l’ensemble du pays.

La Chine et la Russie sont les premiers fournisseurs d’armes légères et de petit calibre en Afrique.  Si la Chine s’efforce de les tenir à l’écart des zones de conflit africaines, elle n’a pas de politique stricte pour empêcher leur circulation dans ces zones.

Moscou tente de renouveler son dispositif africain, le nom de Wagner pour Africa Corps. Notez la référence à l’Allemagne nazie.

Selon « African Initiative », le nouveau corps Africa de Moscou sera intégré au ministère de la Défense et dirigé par le vice-ministre Yevkurov. Jusqu’à 40 000 mercenaires pourraient servir dans ce nouveau corps. Ce corps a un objectif : protéger les intérêts russes en Afrique et les dirigeants africains contre les coups d’État. Le compte StopWagner souligne le caractère ironique de cet objectif car que la Russie et Wagner aurait soutenu des coups d’État militaires au Mali, au Niger, au Burkina Faso… Où la Russie compte-t-elle trouver 40 000 hommes ?  Selon l’article, Moscou prévoit de redéployer les soldats russes qui combattent en Ukraine sur le continent africain. Cela implique que la guerre contre l’Ukraine se terminera bientôt…

Près de 282 millions de personnes en Afrique, soit environ 20 % de la population du continent, souffrent de sous-alimentation, selon un nouveau rapport de l’Union africaine et de trois organismes des Nations Unies. Le nombre d’Africains sous-alimentés a augmenté de 57 millions depuis le début de la pandémie de Covid-19, signe de la détérioration de la crise alimentaire en Afrique.

En général, les cartes montrent quels États européens ont colonisé quelles parties de l’Afrique. Mais nous pouvons aussi montrer comment les Européens ont exploité économiquement l’Afrique en extrayant des ressources.

Nous pouvons également montrer comment les Africains ont résisté.

African Empires est une nouvelle série diffusée sur TV5 Monde. Il s’agit d’une première saison de quatre épisodes sur quatre personnalités emblématiques du continent pour découvrir l’histoire africaine d’avant la colonisation (Soundiata Keïta, Shaka Zulu, la légende de la princesse Yennenga, la souveraine Amanirenas)

Les dernières nouvelles du continent (21)

Corne de l’Afrique

Il faut écouter le podcast « The Fire These Times » avec deux Soudanais, Raga Makawi et Dallia Abdelmoniem qui évoquent la guerre au Soudan, le contexte politique, économique et révolutionnaire dans lequel elle s’inscrit. Quelque 50 000 Soudanais se sont réfugiés en Éthiopie depuis le début de la guerre.  Certains ont été forcés de quitter les camps de réfugiés pour aller combattre au Soudan, d’autres ont trouvé les conditions dans les camps de réfugiés si mauvaises qu’ils sont rentrés au Soudan par leurs propres moyens et ont été forcés de rejoindre les forces paramilitaires de soutien rapide ou l’armée soudanaise.

Les accords négociés il y a un an entre les belligérants éthiopiens étaient censés mettre fin à la guerre du Tigré, qui aurait fait environ 600 000 morts. Depuis lors, le gouvernement éthiopien et ses partenaires internationaux ont utilisé les accords de Pretoria pour promouvoir l’idée que la guerre en Éthiopie était terminée et que le pays s’est engagé dans la reconstruction post-conflit. C’est dans cette optique que l’UE a normalisé ses relations avec le gouvernement d’Abiy Ahmed et lui a accordé une aide de 600 millions d’euros. Cependant, contrairement au discours optimiste de la communauté internationale, la réalité est que la guerre civile régionalisée de l’Éthiopie s’est transformée plutôt qu’elle n’a pris fin selon  Goitom Gebreluel.

Le Conseil de sécurité des Nations unies a voté en faveur de la levée de l’embargo sur les armes à destination de la Somalie. Quatorze membres du Conseil de sécurité ont voté en faveur de la levée de l’embargo, un membre s’est abstenu. L’embargo avait été imposé en janvier 1992, au plus fort de la guerre civile. Les autorités somaliennes ont qualifié le vote d’ »historique ». Elle permettra au gouvernement somalien de lutter plus efficacement contre Al-Shabab mais le risque est de voir à nouveau une intensification des conflits entre clans du fait de la prolifération des arme.

Le Centre d’études stratégiques de la Marine (CESM) propose une carte de Djibouti dans son environnement stratégique.

Le dernier numéro de The Journal of Modern African Studies est en ligne. A noter cet article “Somalia’s evolving political market place: from famine and humanitarian crisis to permanent precarity” par Susanne Jaspars, Nisar Majid et Guhad M. Adan. Les auteurs montrent qu’entre 2008 et 2011, la scène politique somalienne était une sorte d’oligopole compétitif violent qui a contribué à la famine, mais qu’à partir de 2012, un accord politique informel a abouti à un statu quo qui a permis d’éviter des conflits violents. Notons également l’article d’Harry Verhoeven “Surviving revolution and democratisation: the Sudan armed forces, state fragility and security competition”.

Sahel

En Guinée-Bissau, le président Umaro Sissoco Embalo a dénoncé samedi « une tentative de coup d’État » après de violents affrontements, Vincent Foucher nous invite à aller plus loin.

Hâte de découvrir l’ouvrage « Le djihad de la vache. Pastoralisme et formation de l’État au Mali » de Giovanni Zanoletti qui a travaillé au Mali auprès auprès des réseaux vétérinaires. Il nous propose un autre regard sur le conflit armé dans la région : « [il] participe d’une crise agraire que mettent en forme les logiques intrinsèques de la religion, mais aussi les alliances historiques entre lignages, notamment à travers l’institution sociale de « confiage » des troupeaux aux bergers ».  

Lire ICI l’analyse de la reprise de Kidal par l’armée malienne.

Le dernier Bulletin du Centre FrancoPaix en résolution des conflits et missions de paix porte sur le G5 Sahel. Moda Dieng, Amadou Ghouenzen Mfondi et Philippe M. Frowd expliquent l’ensemble des facteurs qui compromettent son déploiement optimal.

On retrouve dans le dernier numéro de The Journal of Modern African Studies un article de Fabio de Blasis  et Silvia Pitzalis “ Externalising migration control in Niger: the humanitarian–security nexus and the International Organization for Migration (IOM)”. En se concentrant sur les opérations humanitaires de l’IOM et les programmes d’aide au retour volontaire et à la réintégration (AVRR), l’article montre la poursuite de l’expansion des frontières humanitaires européennes au cœur du Sahel, en soulignant les nouvelles pratiques d’interdiction, les formes cachées de déportation, les effets secondaires et la contestation par le bas.

Les Afriques dans le monde

Le ministre nigérian de la défense a déclaré que le gouvernement collaborerait avec la Chine en matière de transfert de technologie, d’échange de renseignements et de formation militaire. A noter que les principaux partenaires commerciaux de la France en Afrique subsaharienne sont désormais le Nigeria, l’Angola et l’Afrique du Sud.

Les pays africains ont perdu le contrôle des sociétés minières étrangères – les 3 étapes qui ont permis cela.

Le fossé entre l’Afrique et l’Occident se creuse-t-il vraiment ? Quelles sont la nature et les raisons du sentiment anti-occidental croissant en Afrique subsaharienne et quelles en sont les conséquences possibles ? On notera en particulier le chapitre de Denis M. Tull (German Institute for International and Security Affairs – SWP) : « France: The Controversial Face of Europe in Africa »

Le continent africain a été témoin d’une augmentation significative des coups d’État, neuf ayant eu lieu au cours des trois dernières années. La fréquence des coups d’État ayant augmenté, il est urgent que l’Union européenne (UE) et ses États membres adoptent une approche systématique pour prévenir et répondre à ces bouleversements politiques. Pourtant, la réponse de l’UE aux coups d’État reste fragmentée et manque d’une stratégie cohérente. L’article publié par European Democracy Hub appelle à une stratégie plus robuste face à la menace croissante que représentent les prises de pouvoir militaires.

Publications

La Revue d’Histoire Contemporaine de l’Afrique propose deux nouveaux compte rendus de lecture :
Riina Turtio (2023) – « State-Building and National  Militaries in Postcolonial West Africa. Decolonizing the Means of  Coercion (1958-1974) » par Pape Sarr   et Judith A. Byfield (2021) – « The Great Upheaval: Women and Nation in Postwar Nigeria » par Sara Panata.

Interview de Fabio Viti, dans le cadre de la sortie de son ouvrage La guerre au Baoulé. Une ethnographie historique du fait guerrier.

Le dernier volume des Cahiers des Etudes Africaines porte sur les restitutions.

La revue Psy Cause propose un numéro sur la psychiatrie et la psychologie en Afrique notamment sur la violence psychologique en milieu hospitalier au Gabon, la psychiatrie au Mali et la névrose d’un étudiant africain migrant temporaire dans la France des années 1960.

Il existe trop peu d’ouvrage sur le Burundi, Jean-Pierre Chrétien comble un vide avec « Explorateurs et explorés au Burundi. Une vraie-fausse rencontre (1858-1900) » publié chez Karthala.

Charlie Thomas propose une bibliographie sur la guerre Ouganda-Tanzanie. La guerre entre l’Ouganda et la Tanzanie est un bref conflit qui s’est déroulé d’octobre 1978 à juin 1979. Le conflit lui-même a commencé à la suite d’une série de provocations du dictateur ougandais Idi Amin, culminant avec l’invasion du territoire tanzanien délimité par la rivière Kagera par les forces ougandaises. En réponse, les Tanzaniens ont mobilisé leur propre armée ainsi que plusieurs groupes d’exilés ougandais armés en Tanzanie, pour finalement expulser les Ougandais du territoire tanzanien avant d’envahir l’Ouganda proprement dit et de renverser le régime d’Amin. Ce conflit a eu de graves conséquences économiques en Tanzanie et entrainé une série de conflits pour le contrôle politique de l’Ouganda mais il n’existe pas d’historiographie officielle de ce conflit.

Evènements

La Société des Africanistes invite à assister à la projection du film « Mali, la guerre perdue contre le terrorisme » de Nathalie Prevost et Olivier Jobard. Cette projection aura lieu le 21 décembre à 18h30, dans la salle de cinéma du musée du Quai Branly-Jacques Chirac, en présence de la réalisatrice,Nathalie Prevost, du producteur, Luc Martin-Gousset et du politologue, Marc-Antoine Pérouse de Montclos.

Soutenance de thèse d’Emmanuelle Veuillet: « L’État du cheptel. Guerres civiles, accumulation et régimes d’inégalités en Équatoria-Occidental, Soudan du Sud » le mardi 12 décembre 2023, à 14h30 et se tiendra à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne au 21 rue Broca, dans la salle A-701 (bâtiment A septième étage).

Le webinaire organisé par le CETRI « Luttes anticoloniales : hier et aujourd’hui », le 21 novembre dans le cadre de la sortie d’Anticolonialisme(s), le dernier numéro d’Alternatives Sud est visionnable en ligne.

La prochaine séance du séminaire « Conflits, crises et ruptures sociales » aura lieu le jeudi 14 décembre, de 17h à 19h, au Centre Broca, 21 rue Broca, Paris (salle B 108). Cette séance portera sur le thème : « Le capital scolaire à l’épreuve des crises » avec : Vincent Foucher (CNRS, LAM) : « Valorisations et dévalorisations du capital scolaire en contexte de lutte armée : notes depuis la Casamance (MFDC) et le Borno (Boko Haram) » et Pierre Guidi (IRD, CEPED) : « Placer les femmes au coeur de la révolution. Savoirs militants et violence politique en Éthiopie (années 1960-1970) ».

Les dernières nouvelles du continent (20)

Corne de l’Afrique

Le Critical Threats Project de l’American Enterprise Institute nous propose une carte des zones d’opérations du groupe Shebab en novembre 2023. Elle reflète les progrès réalisés au cours de l’offensive du gouvernement fédéral somalien dans le centre de la Somalie en 2022 et 2023. Notons également de nouvelles zones d’activités du groupe dans le nord-est du Kenya.

Le podcast Afrique 360 de l’ICG propose un nouvel épisode sur le Soudan avec Jérôme Tubiana, conseiller de MSF, sur cette guerre qui ravage le pays depuis plus de six mois et ses retombées notamment au Tchad. La situation au Darfour, dans l’ouest du Soudan, pourrait bien constituer un génocide.

Le Dessous des cartes consacre une émission à Djibouti.

La Somalie a officiellement rejoint vendredi la Communauté des Etats d’Afrique de l’Est (CEA). La Somalie cherche à y être admise depuis 2012. Or, les critères d’admission insistent sur la bonne gouvernance, la démocratie, l’État de droit, les droits de l’homme et la justice sociale. Des défis que la Somalie va devoir surmonter

Le déploiement des forces de police kényanes à Haïti, où elles devraient diriger une force multinationale, est bloqué. Le 23 novembre, la plus haute juridiction du pays, la Haute Cour, a prolongé une ordonnance bloquant le déploiement de policiers, le jour même où le parlement a approuvé la demande du gouvernement d’envoyer 1 000 policiers pour aider à lutter contre la violence des gangs. Pour Afrique XXI, Maina Waruru nous explique que : « L’affaire a été portée devant la Cour par trois pétitionnaires, dont Ekuru Aukot, un opposant et avocat constitutionnel, qui ont fait valoir que le déploiement proposé était à la fois inconstitutionnel et non conforme à la procédure. Les pétitionnaires soutiennent que seules les forces de défense du Kenya (Kenya Defense Forces, KDF) peuvent être déployées dans un autre pays et que le service de police nationale n’est légalement constitué que pour opérer à l’intérieur du Kenya« .

Les Afriques et le monde

Les officiers militaires africains préfèrent les formations militaires offertes par les pays Occidentaux à celles de la Chine, mais les armées occidentales n’offrent pas assez de places pour répondre à la demande, si bien qu’ils se tournent vers la Chine, qui offre bien plus de possibilités .

L’Ukraine réinvestit l’Afrique : ouverture de dix ambassades, intervention de forces spéciales au Soudan, partenariats économiques et militaires.

Évènements

La Société des Africanistes vous invite à la séance de son séminaire de recherches du jeudi 14 décembre, de 17h à 19h au musée du quai Branly-Jacques Chirac (salle 1) afin de suivre les interventions de Sidy Cissokho (Clersé, CNRS) et Manuel Rolland (CESSP, ENS-EHESS), sur les gares routières et les ports, qui traiteront du travail, du syndicalisme, des infrastructures et de l’État en Afrique de l’Ouest. Les interventions seront discutées par Laurent Fourchard (CERI, Science Po). Il est possible de suivre cette séance à distance, en leur envoyant un message à l’adresse suivante: seminaire.africaniste@gmail.com.

Publications

« The Market for Foreign Bases » par Renanah Miles Joyce & Brian Blankenship à lire dans Security Studies. Cet article étudie le comportement des États-Unis en Afrique notamment à Djibouti. Les résultats suggèrent : « China’s economic incentives have crowded out the effectiveness of US economic incentives in securing access. We further show that Djiboutian leaders escalated their demands for US compensation as other base-seekers entered the market due to a combination of US efforts to limit its rivals’ access and Djibouti’s learning about the value of its real estate« . Le Journal of Indo-Pacific Affairs publie « Securing the Digital Seabed: Countering China’s Underwater Ambitions » par Raghvendra Kumar. La route de la soie numérique offre à Pékin une influence importante sur les câbles sous-marins et lui permettre de prendre l’avantage dans la région indo-pacifique. Cet article examine en particulier le câble PEACE (Pakistan and East Africa Connecting Europe). Pascal Orcier propose pour Diploweb une analyse commentée des câbles sous-marins dans la région du bassin méditerranéen et du Moyen-Orient où l’espionnage et la rupture des câbles sous-marins sont les deux menaces principales.

Noël approche donc pour vous aider à remplir votre liste au Père Noël : Dulcie, une enquête dessinée signée Benoît Collombat et Grégory Mardon, sur l’assassinat de Dulcie September, la représentante de l’ANC, en mars 1988 à Paris.

Marie Desanges KAVENE publie chez Karthala « Femmes dans la guerre au Nord-Kivu (RDC). Résilience et foi chrétienne pour que la vie continue« . Comment se reconstruire après un génocide ? C’est le questionnement au coeur du roman de Jean-Félix de La Ville Baugé qui fut, à l’été 1994, est envoyé par Solidarités International au Rwanda dans la région de Gikongoro. A paraître en février aux éditions de l’EHESS, la traduction française de Nancy Hunt : « Un état nerveux Violence, remèdes et rêverie au Congo, à l’époque coloniale ». Et puisqu’il est question du Congo, signalons le reportage de Mélanie Gouby en expédition au cœur des tourbières du bassin du Congo avec le botaniste congolais Corneille Ewango et son équipe de chercheurs.

Ressources en ligne

Où trouver et télécharger des données (PIB, degré de démocratie, alliances, types de régime, etc.) ? ICI

Les dernières nouvelles du continent (17)

Presque trois ans sans article sur ce blog… le temps d’une expatriation. Trois ans également, pratiquement jour pour jour, que le conflit au Tigré a éclaté. Au cours de ces mois, les coups d’État se sont enchainés sur le continent, la France ne semble plus avoir de politique à proposer à ses partenaires et se montre souvent dépassée par la marche du monde. Les conflits systémiques en Europe et au Moyen Orient trouvent une chambre d’échos sur le continent africain mais l’attention s’en détache. 

Le métier de chercheur nous impose de faire un pas de côté, d’expliquer les évènements – sans les justifier – et de donner un sens au monde qui nous entoure. Alors que notre société du spectacle semble se transformer en spectacle de l’horreur, plus que jamais le chercheur doit faire entendre sa voix dans l’espace public. Dans le bouillonnement informationnel actuel, il est souvent difficile pour nos étudiants et pour le grand public de faire le tri et de trouver l’information pertinente. J’entends donc reprendre ici mes veilles d’internationalistes avec un focus sur les Afriques, en me concentrant sur les contributions francophones en complément de la formidable newsletter de Jeffrey Paller (en anglais).

Corne de l’Afrique

Le 2 novembre 2022, le gouvernement fédéral éthiopien et les rebelles du Tigré signaient à Prétoria un  accord mettant fin à deux ans de guerre. Pourtant, un après, le pays est toujours en guerre. Le Premier ministre et prix Nobel de la paix souhaite démanteler les milices, or se sont justement les milices amhara (Fano) qui ont combattu auprès des troupes fédérales au Tigré et qui refuse désormais de rendre leurs armes. Les anciens alliés érythréens refusent également de se retirer. Un diplomate interviewé par Noé Hochet-Bodin pour Le Monde tranche : « L’espoir est devenu cauchemar (…) Nous pensions assister à un tournant historique pour l’Ethiopie, mais en réalité cet accord avait un handicap dès sa signature : il n’incorpore pas les forces amhara ni l’Erythrée, deux acteurs de la guerre. » Avec au moins 371 971 combattants, le processus de démobilisation sera le plus important au monde et devrait coûter 849 millions de dollars sur une période de quatre à cinq ans. Et si pour souder les Éthiopiens et désenclaver le pays, il fallait créer une nouvelle guerre contre l’Erythrée Ken Opalo estime crédible les arguments économiques avancées par Abiy Ahmed en faveur du désenclavement. Dans l’ensemble, les pays enclavés ont tendance à être 20 % moins développés qu’ils ne le seraient s’ils avaient accès à la mer. Cela s’explique en partie par le coût du commerce, les frais de transport étant de 50 à 262 % plus élevés pour les pays enclavés. Pour le moment le Tigré est exsangue.

Le désintérêts pour ce conflit fait dire à Gérard Prunier que « La mort d’un Noir vaut moins que celle d’un Blanc(*) et les cadavres éthiopiens d’une guerre qui a compté au moins quatre fois autant de pertes que la guerre en Ukraine en sont une preuve de plus. » Esther Duflo revient sur cette invisibilisation dans sa chronique sur France culture.  

La Somalie annonce sa candidature à un siège non permanent au Conseil de sécurité des Nations unies pour une période de deux ans (2025-2026). Actuellement, le continent dispose de trois sièges non permanents occupés par le Mozambique, l’Algérie et la Sierra Leone.

Le Soudan est aujourd’hui l’une des pires catastrophes humanitaires au monde, avec plus de 5,6 millions de personnes déplacées, 9 000 morts dans les combats, 860,000 réfugiés et rapatriés qui pourraient fuir vers les pays voisins en raison de la violence au Soudan au cours des six prochains mois. On estime à 19 millions le nombre d’enfants non scolarisés. Laurent Larcher s’est rendu dans les camps de réfugiés soudanais au Tchad auprès des « anciens» réfugiés arrivés du Darfour en 2003 qui voient arriver les nouveaux réfugiés de la guerre d’avril 2023.

Israël/Palestine

Le 7 novembre, nous réfléchirons à l’ENS aux réactions mondiales à cette guerre.  Je propose ici quelques éléments de réponses pour les Afriques, complétés par Afrique XXI qui évoque une « indifférence » des pays africains dans leur ensemble. Al Shabaab pourrait intensifier ses attaques en Somalie et au Kenya alors que l’opération de maintien de la paix de l’Union africaine en Somalie se réduit. Al-Shabaab a publié une déclaration saluant la « bravoure » des combattants du Hamas et leur apportant son soutien total. Pour Alex de Waal, c’est toute l’architecture de sécurité de la mer Rouge qui est en jeu : « La mer Rouge est stratégique pour Israël. Un quart du commerce maritime israélien est traité dans le port d’Eilat, situé dans le golfe d’Aqaba, un bras de mer de la mer Rouge. Eilat est la porte arrière d’Israël, vitale au cas où la côte méditerranéenne serait menacée. Israël considère depuis longtemps les pays riverains de la mer Rouge – Jordanie, Égypte, Arabie saoudite, Yémen, Soudan, Érythrée, Djibouti et Somalie – comme des pièces du puzzle de sa frontière de sécurité élargie. » Gilles Yabi explore les raisons pour lesquelles la réponse de l’Union africaine ne reflète pas celle de l’ensemble des pays africains.

Afrique de l’Ouest/Afrique centrale côtière

En Guinée, Dadis Camara a été exfiltré de prison par un commando armé puis réarrêté dans la même journée (lire ce livre sur les violences politiques dans le pays). Depuis un an, se déroule son procès ainsi que dix de ses co-accusés, soupçonnés d’être les responsables du massacre du 28 septembre 2009. Pour Catherine Maia « la démonstration est  faite que même un État tel que la Guinée, aux moyens limités et à la stabilité politique relative, peut organiser efficacement et équitablement des procès d’auteurs de graves violations des droits humains ».

Le Centre d’études stratégiques de l’Afrique propose une analyse (avec carte et tableau) sur les limites constitutionnelles de la durée au pouvoir des dirigeants africains. On apprend que « sur les 54 pays d’Afrique, en comptant les huit pays supplémentaires qui ne sont pas dotés de restrictions de mandats, 30 pays (soit 56 %) fonctionnent sans limites sur l’échéance au pouvoir du président. »

Afrobarometer propose un nouveau sondage sur les brutalités policières : pour 4 Africains sur 10 la police fait « souvent » ou « toujours » un usage excessif de la force sur les manifestants et les arrêtés.  Voir la dernière analyse de Afrobarometer dans The continent.  

Publications 

De nombreux travaux ont montré l’importance que peuvent avoir les artistes dans les mouvements de contestation notamment en Afrique ou la dénonciation des ingérences étrangères (Didier Awadi dans son dernier album par exemple). Néanmoins, « peu d’études ont adopté une perspective comparative pour établir une analyse macro-systémique des réseaux translocaux où ces artistes engagés se fréquentent, des types de mobilités et de ressources qu’ils mobilisent, et des contraintes différenciées qu’ils rencontrent », c’est ce que propose ici Alice Aterianus-Owanga pour la Revue internationale de politique comparée.

Moussa Bobbo présente dans cette étude de l’IFRI le bilan du Programme national de Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) créé en 2018 au Cameroun. Il dépeint un bilan sombre faut de volonté politique et de financement.

Dans son étude  » Centrafrique : la fabrique d’un autoritarisme » le sociologue Roland Marchal explore la construction du pouvoir du Président Faustin-Archange Touadéra. Selon l’auteur, le pays est « un État déliquescent (…) [qui] sait jouer de ses propres faiblesses et d’une configuration régionale et internationale particulière pour aujourd’hui contraindre le champ politique et terroriser sa propre population en construisant un ennemi forcément étranger et en instrumentalisant la Russie pour sa pérennisation ».

A retrouver chez Karthala « L’Enchevêtrement des crises au Sahel Niger, Mali, Burkina Faso » de Jean-Pierre Olivier de Sardan.

J’ai hâte de lire cette BD sur Thomas Sankara (dès que mon chat me l’aura rendu…). On me dit également le plus grand bien du deuxième roman de Kayo Mpoyi, « L’echo des silences de Mère« . Il est question de mémoire, d’exil, de silence et du Congo. Les fans ne manqueront pas la sortie du 8ème tome des aventures de Aya de Yopougon.


Dans ce tweet Elara Bertho nous présente quelques œuvres contemporaines actuellement exposées au Musée des civilisations noires de Dakar.