Les dernières nouvelles du continent (19)

« Déconstruire les constructeurs » c’est avec ces mots que le sociologue Elgas a décrit le travail du romancier Sami Tchak lors du premier séminaire Littérature et Sciences sociales organisé par le tout nouvel Institut Afrique de Sciences Po. Les écrivains sont de parfaits passeurs pour déconstruire les idées reçues avec ironie. Ils décrivent des réalités sociales et, en cela, les frontières avec les sciences sociales sont poreuses.

Face à l’invisibilité de la littérature du continent la professeur Ashleigh Harris propose une nouvelle base de données.

Afin d’avoir une vision générale des représentations populaires du continent africain et de ses habitants, j’ai réalisé pour un ouvrage, entre 2017 et 2019, une enquête auprès de 118 étudiants en Relations internationales : 53 étaient des « non-spécialistes » des questions africaines, et étaient répartis dans 3 niveaux et établissements différents (1 ère année, 3 e année et master 2). Dans ce premier groupe, 23 étudiants ne se sont jamais rendus sur le continent, 15 sont allés uniquement dans le Maghreb, et 13 en Afrique subsaharienne. Le deuxième groupe d’étudiants « sondés » était constitué de 65 étudiants de 2e année, sur le campus EurAfrique de Sciences Po (14 d’entre eux ne sont jamais allés sur le continent). Le questionnaire se composait d’une dizaine de questions portant sur ces thèmes : leurs références littéraires et cinématographiques africaines.

Concernant la littérature, le nom de Léopold Sédar Senghor est proposé par 14 étudiants, et Tintin au Congo, est lui cité 5 fois… Pour la promotion de Sciences Po, les résultats diffèrent puisque, dans leur grande majorité, les étudiants interrogés répondent directement à la question en proposant des références africaines qu’ils ont parfois étudiées pendant leurs études, comme Mariama Bâ, Amadou Hampâté Bâ, Chimamanda Ngozi Adichie Cheikh Anta Diop, Gaël Faye, et bien sûr Léopold Sédar Senghor, ainsi qu’Aimé Césaire. L’occasion de rappeler que la 3ème édition du salon du livre africain se tiendra du 15 au 17 mars à Paris.

Corne de l’Afrique

Les Éthiopiens préfèrent un gouvernement fédéral à un gouvernement centralisé, mais sont divisés sur sa délimitation, selon un sondage Afrobaromètre. Ils sont divisés sur la question de savoir si le fédéralisme éthiopien doit continuer à être basé sur des régions définies en fonction des nations, des nationalités et des identités des peuples ou s’il doit évoluer vers un système basé sur les caractéristiques géographiques du pays. Nous savons que cette question est au coeur de la politique éthiopienne avec des divisions entre les fédéralistes et les unitaristes et la question de savoir si le pays doit maintenir le fédéralisme ethnique en place depuis la ratification de la Constitution fédérale en 1995, le modifier ou passer à une forme de gouvernement unitaire.

L’International Crisis Group consacre son dernier podcast à la situation en Ethiopie. Après la guerre au Tigré, les rébellions dans les régions Amhara et d’Oromia menacent à nouveau la paix en Éthiopie. Cet enchevêtrement de crises détériore les relations entre les différents groupes identitaires et menace la stabilité du pays auxquels il faut ajouter les propos provocateurs du Premier ministre éthiopiens sur la nécessité existentielle pour l’Éthiopie d’obtenir un accès à la mer (nous l’évoquions ICI). Une rhétorique qui fait échos à l’invasion de la Crimée par la Russie et aux manœuvres militaires de la Chine dans la mer de Chine méridionale. Pour 90% des 6 600 éthiopiens interrogés entre juin et juillet 2023, la reconstruction du pays passe par la recherche de la vérité et la justice.

Doctorante en Relations internationales Elisa Domingues Dos Santos vient de publier un rapport à l’IFRI : « Le Soudan dans la géopolitique africaine de la Turquie : une expérience sotto voce dans une région convoitée« . Elle y explique que « par le Soudan, la Turquie cherche à étendre son influence politique dans la Corne de l’Afrique, un terrain pilote de sa politique africaine où le niveau de compétition entre acteurs extérieurs, notamment du Moyen-Orient, est particulièrement élevé ».

L’Erythrée s’est retirée des qualifications pour la Coupe du monde 2026 « par crainte de voir les joueurs fuir ». Depuis 2009, on estime que plus de 60 joueurs ont demandé l’asile…

Djibouti a mis en orbite son premier satellite, Djibouti 1A, le 11 novembre. Le pays a développé ce satellite en collaboration avec le Centre spatial universitaire de Montpellier, en France.

Sahel

Quelle logique anime les fonctions de gouvernance élaborées par l’État islamique au Sahel (EI-Sahel) ? Abd’allah répond à la question : le groupe assoit son contrôle territorial ; son contrôle des échanges économiques stabilise le flux de ressources ; un vivier de recrutement facile. La prise de Kidal par l’armée malienne signe-t-elle la fin des hostilités ? Pour le chercheur Jonathan Guiffard : « Si la victoire politique est réelle et enchante les partisans d’un Mali unifié, il est probable que la joie retombe vite. Les FAMA sont plutôt entrées dans un piège. Voilà pourquoi« .

Au regard, de l’instabilité politique notamment due aux différents coups d’État dans la région depuis 2020, la Chine pourrait réduire certaines de ses activités économiques. Par ailleurs, l’Australie, le Chili et la Chine dominent l’offre mondiale de lithium (plus de 90 % de la production en 2022). L’Afrique devient une source plus importante de lithium (notamment en RDC, au Zimbabwe, en Namibie, au Ghana, au Mali et en Éthiopie). Mais les entreprises chinoises sont pointées du doigt.

Divers

D’après Lynn Fredriksson qui cite le Peace Research Institute d’Oslo nous connaissons le nombre de conflits armés le plus élevé au monde depuis la fin de la guerre Froide – quelque 55 conflits en 2022. Mais ce n’est pas seulement le nombre de guerres qui est marquant, c’est leur longévité, leur niveau de violence et le nombre d’acteurs locaux, régionaux et internationaux qui sont impliqués.

Le stock total de la dette de tous les gouvernements africains est estimé à 1 800 milliards de dollars en 2023, tandis que l’Allemagne a un stock total de dette d’environ 2 900 milliards de dollars. Pourtant, de nombreux pays africains [sont] en « surendettement » en 2023.


Une réponse à “Les dernières nouvelles du continent (19)”

  1. Merci pour ce tour d’horizon que je trouve particulièrement utile. La dernière nouvelle concerne la dette des pays africains. Vous ajoutez une information intéressante: la dette de l’Allemagne serait bien supérieure à celle de tous les pays africains!
    J’aimerais vraiment que ceux-ci réalisent qu’une des façons de gérer leur dette pourrait être de mettre en place des projets d’industrialisation à l’échelle sous-régionale. Exemple: le Nigeria développe une industrie automobile (le Ghana aussi).
    Je pense qu’il serait dans l’intérêt du Bénin d’arrimer son économie à celle de son voisin en décidant non seulement d’acheter des véhicules nigérians plutôt que japonais, français ou allemands, mais aussi de former des ingénieurs qui seraient en mesure de concevoir et fabriquer des pièces automobiles pour les industries nigérianne et ghanéenne. Le Bénin pourrait ainsi réduire son chômage, le Nigeria et le Ghana profiter de l’espace ouest-africain pour réduire les coûts de production.
    Aujourd’hui, malheureusement, les pays d’Afrique de l’Ouest s’ignorent superbement.

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